et même : artichaut "camus" du Léon
22/05/2012
Ode à l’artichaut (Pablo Neruda)
L’artichaut
au cœur tendre
s’est vêtu en guerrier,
droit, il a construit
un petit dôme,
il est resté
imperméable
sous
ses écailles,
à ses côtés,
les végétaux fous
se sont hérissés,
se sont faits
vrilles, clochetons,
bulbes émouvants,
dans le sous-sol
s’est endormi la carotte
aux moustaches rouges,
la vigne
a fait sécher les sarments
par où monte le vin,
le chou s’est appliqué
à essayer des jupes,
a marjolaine
à parfumer le monde,
et le doux artichaut,
là-bas dans le jardin,
habillé en guerrier,
bruni
comme une grenade,
fier,
et un jour
côte à côte
dans de grandes corbeilles
en osier, il est allé
par le marché réaliser son rêve
le service armé.
en rangs
jamais il ne fut si martial
qu’à la foire,
les hommes
au milieu des légumes
avec leurs chemises blanches
étaient
maréchaux
des artichauts,
les rangs serrés,
Les ordres criés,
et la détonation
D’un cageot qui tombe,
mais alors
vient Maria
avec son panier,
elle choisit
un artichaut,
sans peur,
elle l’examine, l’observe
à contre-jour comme si c’était un oeuf,
l’achète,
le mêle
dans son sac
avec une paire de chaussures,
un chou pommé et une
bouteille
de vinaigre
jusqu’à ce qu’
entrant dans la cuisine
elle l’imerge dans la marmite.
Ainsi s’achève
en paix
cette carrière
de végétal armé
qu’on appelle artichaut,
puis,
une caille après l’autre
nous dévorons
le délice
et mangeons
la pâte pacifique
de son cœur vert.